Review from La Grosse Radio
Posted by Nick Skog on Wednesday, September 23, 2020 Under: French
From: La Grosse Radio
Published: September 23, 2020
Avec Einderlicht, son quatrième effort, la formation belge Marche Funèbre ne cache nullement son jeu : il faut bel et bien s'attendre à un épais nuage de désespoir, de chagrin et d'amertume dans les six longs titres de cet opus éclectique aux tonalités death-doom metal et à la thématique bien sombre... à déconseiller peut-être aux âmes les plus fragiles, mais idéal pour satisfaire, par sa diversité et sa puissance, les amateurs de doom et de black/death.
Einderlicht en flamand signifie « la lumière de la fin » et Marche Funèbre s'interroge tout au long de l'album sur l'autre bout du voyage, la mort, le deuil et le désespoir – au sens littéral du terme : ce moment où un être humain en arrive à abandonner tout espoir, y compris celui de poursuivre sa propre existence. Le quintette s'attaque donc à un thème sombre et difficile, mais avec une démarche très intéressante puisque l'album se caractérise avant tout par un son puissant et un dynamisme plutôt surprenant.
Marche Funèbre chante les idées noires, le suicide, mais aussi le deuil et l'épreuve d'être « celui qui reste », cherchant à aborder l'inabordable en multipliant les points de vue et les nuances. Du côté des compositions, il en est de même : tout le spectre du doom est balayé dans Einderlicht, avec un effort d'éclectisme, sans se cantonner à une tonalité unique, à cette structure lente et morose caractéristique du genre. Certes, on y trouve du doom metal d'école, plutôt old school, comme dans "The Maelstrom Mute". Le chant clair inspiré d'Arne Vandenhoeck, le vocaliste, et la rythmique pesante de ce titre accrocheur et intense évoquent des groupes comme Candlemass. Cependant, ce morceau n'est pas représentatif du reste de l'album, qui se distingue plutôt par des variations dans les atmosphères, le chant et le rythme.
L'incursion dans les nuances se fait dès l'entame de l'album, sur la lente montée en puissance tout en douceur de la piste d'ouverture "Scarred". Une mélodie délicate, où basse et guitares accompagnent le chant clair, fait patienter l'auditeur pendant quatre minutes avant de se muer soudainement en pure attaque death à coups de growl ravageur, de belles accélérations et de riffs punitifs par les guitaristes Kurt Blommé et Peter Egberghs. Un final lourd et surpuissant, mais toujours mélodique, qui n'est pas sans rappeler Swallow the Sun ou My Dying Bride.
Certains titres présentent un tempo qui s'éloigne franchement de la lenteur solennelle que l'on pourrait attendre d'un groupe baptisé Marche Funèbre. Rythmiquement, les compositions d'Einderlicht sont réellement impressionnantes. Il ressort énormément d'énergie de l'entraînant "Deformed", penchant bien plus vers le death que le doom. Ce titre marqué par de purs riffs guitares / basse a d'ailleurs été composé par le bassiste Boris Iolis. L'entame très rapide de "The Eye of the End" et sa ligne de guitare entêtante mène ensuite à un jeu de ralentissement vers la mélancolie du doom avant de verser franchement dans le black metal, sur une accélération démente ponctuée des hurlements sinistres d'Arne. La qualité de ces morceaux nous fait presque regretter que le groupe n'ait pas décliné ces incursions black/death dans d'autres compositions (Einderlicht comporte uniquement six titres).
La prise de risque des Belges va jusqu'à "Einderlicht", chanté en néerlandais. Ce morceau, à la composition complexe et aux paroles évoquant l'acte de s'ôter la vie, alterne chant crié et voix claire dans une interprétation intense, peut-être un peu moins convaincante sur les parties clean. À noter sur cet opus, la production discrète, mettant en avant une sorte de solennité honnête, de Markus Stock (Empyrium, Alcest).
Le single "When All Is Said", quant à lui, exprime bien ce plaisir que semble ressentir Marche Funèbre à jouer des nuances : de belles transitions sont marquées entre passages death, clairs, mélodiques, black/doom, par le biais de ralentissements phénoménaux, d'accélérations, avec une fluidité assurée par les belles guitares. Sur ce titre de onze minutes, long et démonstratif, pas de complexité inaccessible mais un effet entraînant et un refrain assez vite accrocheur ("O Solitude !"). On peut néanmoins déplorer quelques passages dispensables dans ce morceau, et à nouveau être moins convaincu par le chant clair, quand l'interprétation de Arne (sur)joue le côté doom / théâtral.
Malgré quelques longueurs et une tracklist que l'on aurait aimé voir un peu plus étoffée, Marche Funèbre réussit , sur le fil, à dompter cet équilibre pourtant fragile entre mélodies doom et death rythmé tout en puissance. Sur certains morceaux le pas est lent, funèbre, et sur d'autres, l'énergie est palpable et le dynamisme entraînant. Einderlicht traite de sujets graves mais laisse l'auditeur libre de choisir entre les pleurs et le headbang pour faire son deuil, offrant entre deux explosions de pessimisme quelques touches – discrètes - d'espoir et de résilience.
Rating: 8/10
Reviewed by: Juliel
In : French
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