Review from Metal Nightfall
Posted by Hypnotic Dirge Records on Thursday, September 12, 2024 Under: French
From: Metal Nightfall
Published: June 21, 2024
Lorsque nous nous habituons à l’excellence, nous rehaussons inéluctablement nos exigences et rabaissons notre seuil de tolérance, car l’excellence fait vibrer. Elle brille de sa superbe, elle embellit, elle invente de nouvelles routes, elle produit et engendre des auras. Dans cette course aux étoiles, peu d’êtres ou de choses les tutoient. L’existence fait aussi varier les exigences, les durcit ou les désinvestit c’est selon. En matière de Black Metal, comme dans toutes choses, je me garde bien de croire aux prophéties des autres et ne me passionne que pour niveler mon propre parcours musical. Il en va de même pour vous j’imagine très chers lecteurs, nous sommes tous ainsi, différents et complémentaires à la fois. Pour ce qu’il en est de cette chronique, non elle ne s’est pas perdue dans cette discussion de comptoir, car DØDSFERD n’est pas anecdotique pour moi.
Ces Grecs écument les scènes – très souvent en tournées – depuis de longues années. En tout cas au moins depuis que le groupe existe soit dès le début de ce millénaire. Et leur discographie est consistante et se porte à ce jour encore pour le mieux. Pas facile pour moi de définir ce que DØDSFERD fait résonner en moi, je dirais qu’en premier lieu je trouve cette entité retorse au sens figuré du terme. Malsaine, fielleuse et mue par les désordres , DØDSFERD a ce côté indomptable, au-dessus de la mêlée, et cette obstination à être traversé par la révolte, la furie, l’agressivité… Depuis son deuxième album "Fucking Your Creation" (2007), et le suivant "Cursing Your Will To Live" (2007) que je vous ai chroniqués en ces pages, DØDSFERD a développé son jeu espiègle et brutal, et trouvé sa voie d’excellence. Celle peut-être de hanter le Black Metal d’une anarchie misanthrope. La férocité de sa saleté de chanteur/guitariste Wrath y sont pour beaucoup. Compositeur tenace et fidèle aux ordres de la colère, son timbre est l’un des plus engagés à produire avec véhémence des éclats enragés. J’avoue avoir eu un faible pour son jeu vocal dès les premiers instants, à l’instar d’autres chanteurs dingues et Hardcore.
DØDSFERD n’a jamais produit un Black Metal contemplatif ni de circonstance mais enragé. Juste enragé comme un pétage de plombs possible, latent ou expulsé avec honneur et force. Beaucoup des albums de Wrath sont des usines à Pogo, mais brillent aussi très souvent de bien d’autres lectures possibles que du seul prisme de crudité dont spontanément chacun d’entre-eux fait preuve. Si vous écoutez le très virulent "Death Set The Beginning Of My Journey" (2008), l’oppressant et glaçant "A Breed Of Parasites"(2013), vous trouverez les détours progressifs et mélodiques de "Wastes Of Life" (2015) saisissants, et "Diseased Remnants Of A Dying World" (2018) vous achèvera dans son magma taciturne, atmosphérique et sombrement mélodieux. Si je vous cite ces albums, c’est qu’ils sont tous bardés de cette excellence dont je vous parlais au début de cette chronique. Enfin selon moi, vous l’auriez compris. À mon sens chacun d’eux méritent une belle breloque et partagent les places d’un utopique podium. En tout cas ils occupent une belle place dans mon estime et figurent dans une catégorie à part que je pourrais qualifier d’intouchables.
Depuis l’album de 2018, Wrath et ses chiens de guerre ont repris le flambeau de leur prime verdeur en retrouvant les terres acides et fertiles d’un champ de guerre encore fumant. Et ce nouvel album ne dément pas cette impression. Sobrement intitulé "Wrath" (= le courroux), il circonscrit en quasiment trois-quarts d'heure les velléités de ce retour en grâce du vent furieux d’un Black Metal venimeux, à sang froid et constricteur. Fidèle à son habitude de titres assez longs (avec une moyenne de sept minutes pour six titres), DØDSFERD nous embarque dans une de ses tranchées dont il a le secret pour aller sentir à pleine narines la pourriture et les miasmes. Si la voix de Wrath a perdu de sa superbe, son riffing est bien en place et sonne toujours juste et emporté. L'opus ne m’aura pas embarqué cependant avec la même férocité que les albums infects du début de sa discographie. Mais "Decay Of Sanity" est vraiment un putain de sale titre, et pour DØDSFERD, ce vocable signe une réussite. Bien ficelé, bien mitraillé, bien ligoté c’est un hymne pour le peloton d’exécution. Et que dire de "Spiritual Lethargy" ? Peut-être qu’il est la danse sur le corps de ce même peloton d’exécution sur les victimes jetées au sol. Les blasts continuent ne feront que galvaniser la troupe à piétiner de manière frénétique les cadavres. Et si "Heaven Drops With Human Filth" maintiendra les ardeurs nous pourrions toutefois ressentir des soupçons de lassitude croître à mesure que ce titre déroule son artillerie. Heureusement le sournois et pervers "Failure Ablaze In Your Existence" reprendra du galon pour finir le travail bien plus sadiquement qu’il n’avait commencé, mais une fois encore le cœur n’y sera plus au bout de quelques temps.
Un peu déçu – j’en attendais davantage depuis le bilan mitigé des derniers LP et EP du groupe – je concède néanmoins que "Wrath" a besoin de temps et d’écoutes supplémentaires pour se décanter et s’apprécier davantage. Mais la force de DØDSFERD a toujours été de taper fort, brutalement, vite et avec une précision démoniaque. Cet album me nourrira donc encore de bons mois et me permettra d’attendre avec la même ferveur le suivant.
In : French